
Proposer un espace de parole sur la sexualité en établissement psychiatrique
Il y a quelques mois, mon amie et collègue, Céline Covarel, sophrologue m’a appelée pour me dire qu’elle avait une proposition intéressante à me faire.
Au détour d’une conversation sur nos activités respectives et notre collaboration, il lui a été demandé si nous serions intéressées par l’organisation et l’animation d’ateliers sexo-sophro aux Maisons Hospitalières de Sénart, un établissement psychiatrique.
Formée à la psychopathologie de l’adulte, j’ai directement été emballée par l’idée.
Pourquoi parler de sexualité en établissement psychiatrique ?
Il existe un réel besoin d’ouvrir la parole sur la question de la sexualité et de l’intimité en établissement psychiatrique
Les troubles mentaux impactent généralement la vie sociale, affective, sexuelle des personnes qui en souffrent.
Les médicaments sont indispensables au traitement. Ils permettent de considérablement améliorer la qualité de vie des patients.
Mais les traitements médicamenteux peuvent avoir un impact plus ou moins important sur la fonction sexuelle, le désir, le corps. Par effet de domino, ils affectent aussi la santé sexuelle, la vie affective et le bien-être global.
C’est un peu le serpent qui se mord la queue. Les antidépresseurs ou les antipsychotiques sont prescrits pour atténuer la souffrance des personnes concernées mais amènent parfois, eux aussi, leur lot de problématiques (troubles de l’érection, troubles de la lubrification – douleurs lors des rapports, baisse ou perte du désir, modifications corporelles, disparition des menstruations,…).
Cette situation peut engendrer de la frustration, des questionnements et mener à la non-observance des traitements avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer.
La sexualité en institution
L’intimité, la vie affective et sexualité sont des libertés fondamentales pour tous.
Que ce soit en établissement psychiatrique, en EHPAD, en établissement accueillant des personnes en situation de handicap, la question de la sexualité doit pouvoir être abordée.
Priver une personne de vie intime, affective et sexuelle, notamment en institution, est une discrimination et une violence qui peut engendrer de la souffrance, des comportements inappropriés, une prise de risque et donner, tout simplement, une image négative de la sexualité.
Cependant, il s’agit aussi de respecter le consentement et la pudeur des encadrants et des autres patients. Il ne s’agit pas de fermer les yeux, de maintenir le tabou mais d’accompagner, avec bienveillance, les patients pour le respect de la vie privée et le maintien d’une vie affective saine.
C’est dans ce cadre que s’inscrit pleinement toute la pertinence de nos ateliers sexo-sophro.
Comment aborder la question de la sexualité – mon petit challenge
Je savais ce que je voulais aborder mais je ne savais pas comment le faire.
Quel que soit le public, j’ai toujours des appréhensions quant à la manière dont seront reçues les informations et les questionnements que je souhaite transmettre en matière d’intimité et de sexualité. Je n’y échappais pas pour ce projet, au contraire.
Quelles allaient être les personnes que nous aurions face à nous ? Quels allaient être leurs troubles et quelles conséquences ceux-ci pourraient avoir sur leur intimité ? Cette préparation aura été l’occasion de me replonger dans mes cours de psychopathologies mais ce qu’il y a sur le papier est parfois bien abstrait.
Quel était le niveau d’intérêt des patients pour les questions de sexualité et surtout quel était leur niveau d’aisance quand il s’agit d’aborder la question du corps et de l’intime ?
Avec Céline, nous ne souhaitions pas que l’apport en sexo soit un cours magistral.
Le but était d’offrir une safe-place, un cadre propice pour aborder des thématiques intimes et encore taboues autour d’exercices de sophrologie mais aussi d’échanges, de débat, de quizz. Nous espérions un atelier vivant et interactif.
J’appréhendais que des patients se confient de manière trop intime et personnelle et, à contrario, j’appréhendais aussi le silence.
Le cadre a directement été posé pour respecter cet équilibre entre participation aux échanges sexualité et respect d’une certaine pudeur personnelle.
Mes craintes initiales se sont vite envolées.
Les patients ont participé à leur rythme. Certains ont parlé, d’autres ont simplement écouté et d’autres encore se sont senti libres de nous quitter. Et c’était parfaitement ok !
Allier sophrologie et sexothérapie
La complémentarité entre la pratique de Céline et la mienne a pris une grande place dans ces ateliers. Les exercices de sophrologie apportaient du mouvement et du rythme et Céline offrait des questions qui ne demandent aucune mise à nu intime et offrent la possibilité à chacun de s’exprimer même brièvement, même timidement.
Les ateliers commençaient et se terminaient par une approche sophrologique qui permettait aux participants de déposer leurs ressentis, leurs tensions, leur anxiété, leurs appréhensions éventuelles et qui nous permettait, à nous de jauger leur état d’esprit pour nous y adapter.
Une approche en 3 temps
Nous avions défini que les ateliers s’organiseraient en 3 temps. J’ai alors imaginé une progression douce pour permettre aux participants d’aborder progressivement les différentes dimensions de la question de la sexualité et de l’intimité lorsqu’on souffre d’un trouble psychique.
Le premier atelier était axé sur le consentement – pilier de l’intimité.
Le consentement c’est la base de toute vie affective et sexuelle saine. Surtout, il ne faut jamais préjuger de la pleine connaissance des gens de l’importance du consentement et de la manière dont il doit être exprimé et vécu.
C’était une bonne entrée en la matière qui nous a permis de définir le niveau d’aisance des patients tout en rappelant la définition précise du consentement (qui doit être libre, clair, enthousiaste et volontaire, révocable et spécifique).
Céline a axé la sophrologie de ce premier atelier sur des ancrages pour écouter son corps et ses émotions, pour savoir dire « non » et oser poser ses limites.
Lors du deuxième atelier, l’impact des troubles et des traitements sur la vie affective et sexuelle ont été abordés.
Permettre aux patients d’identifier les effets indésirables auxquels ils peuvent être exposés, c’est leur permettre d’en discuter avec le personnel soignant pour envisager un ajustement du traitement ou une prise en charge complémentaire.
Je tenais à exprimer toute personne a droit à une vie affective et sexuelle épanouie, quel que soit son trouble ou ses difficultés et qu’ils sont légitimes pour en parler et pour questionner.
D’un abord plus intime, je pense que comprendre l’origine et le mécanisme des difficultés rencontrées améliore leur gestion et parfois leur acceptation.
Pouvoir comprendre ce qui se joue c’est aussi pouvoir réapprivoiser son corps et son intimité.
Cette compréhension me semble d’autant plus précieuse quand les personnes font couple.
Pouvoir expliquer à sa ou son partenaire pourquoi il n’y a plus de désir, pourquoi il n’est plus aussi facile qu’avant d’avoir une érection, une lubrification, d’atteindre l’orgasme, permet certainement d’éviter cette peur du rejet ou du désamour si présente dans les couples concernés par les troubles sexuels. C’est pouvoir créer un espace de dialogue, de compréhension d’empathie et aussi pouvoir réinventer son intimité, en équipe.
Pour aider à l’acceptation de l’impact des troubles ou des traitements sur la vie intime, Céline a proposé des exercices pour permettre de chasser les sensations désagréables, les pensées négatives liées aux traitements ou à la maladie.
Pour le troisième et dernier atelier, il était temps d’aborder les solutions possibles.
C’était sans doute l’atelier le plus intéressant pour moi mais aussi le plus challengeant.
L’enjeu n’était pas de minimiser les troubles sexuels et leur impact sur le bien-être des patients mais de les amener à réaliser qu’il n’y a aucune fatalité.
L’intimité a ça de merveilleux qu’elle est propre à chacun et qu’il en existe une folle diversité.
Quand il y a des troubles de l’érection ou des douleurs à cause d’une sècheresse vaginale, il est parfaitement possible de vivre une sexualité pleinement satisfaisante en reléguant la pénétration au statut de pratique parmi tant d’autres et surtout de pratique purement optionnelle. Il existe toute une sexualité en dehors de la pénétration.
Quand c’est le désir qui n’est plus présent ou plus difficile à rencontrer, l’intimité physique ou émotionnelle peuvent être investies. En dehors de toute sexualité, le lien, l’apaisement, l’estime de soi, une certaine forme de satisfaction peuvent passer par un câlin, une caresse dans le dos, une main passée dans les cheveux, une tête posée sur une épaule ou des doigts qui s’entrelacent.
Et qu’on ait une vie affective ou non, il est important de pouvoir prendre soin de soi, physiquement bien sûr mais mentalement, émotionnellement aussi.
C’est aussi pour cette raison que Céline a proposé de clore le dernier de ces 3 ateliers par des pratiques de sophrologie centrées sur le plaisir.
Une expérience professionnelle et humaine
Ces ateliers auront été riches, autant pour Céline et moi que pour les patients.
En définitive, ils auront tous participé, à leur rythme bien sûr, certains plus loquasses et à l’aise que d’autres. Mais il semblerait, d’après les retours reçus, que notre mission d’offrir un espace d’expression sécure a été accomplie.
L’expérience est amenée à être renouvelée, adaptée, améliorée. L’aventure devrait se prolonger face à d’autres patients, d’autres personnalités, d’autres troubles, d’autres attentes.
C’était le premier pas d’une nouvelle aventure que je suis ravie de partager avec mon amie Céline Covarel dans un cadre aussi bienveillant que celui des Maisons Hospitalières de Sénart.
Cette expérience montre combien la santé sexuelle fait partie intégrante de la santé globale, même dans un contexte psychiatrique. Offrir un espace de dialogue sur la question de l’intimité, c’est contribuer au mieux-être psychique, physique et relationnel des patients.
Et quel plaisir de profiter activement des exercices de sophrologie en me laissant guider, avec les patients, par la voix de Céline !
Céline Covarel – Sophrologue – Céline Covarel – Sophrologue
Les Maisons Hospitalières de Sénart
Si vous travaillez dans ce type d’établissement ou toutes autres structures acceuillant du public susceptible d’être intéressé par nos ateliers sexo-sophro (sexualité et santé mentale, sexualité des séniors, ménopause,…) n’hésitez pas à me contacter via email: lahayeaudrey@hotmail.com ou via le formulaire en bas de cette page.